28/09/2010

L'énigme Fulcanelli

Un alchimiste dans le Paris du XXe siècle

L'ENIGME FULCANELLI

En 1926 paraît le Mystère des cathédrales, tour de France de l'art gothique qui propose une curieuse démonstration : les maîtres alchimistes du Moyen Âge auraient laissé le témoignage de leur science dans l'architecture des principaux édifices religieux

L'ouvrage est signé Fulcanelli. Mais quelle est l'identité de cet homme étrange qui semble connaître, huit ans avant Hirochima, les secrets de l'énergie nucléaire ?

Pseudonyme pour un inconnu

Fulcanelli est certainement le plus célèbre et le plus mystérieux des alchimistes du XXe siècle. Sa légende commence en 1920. dans les petits cercles d'ésotéristes, on évoque un "grand maître" qui serait vivant et poursuivrait ses travaux à Paris. La rumeur est diffusé par deux hommes : un garçon d'une vingtaine d'années, Eugène Canseliet, et son ami peintre et occultiste, Jean Julien Champagne. les deux comparses laissent entendre que "maître Fulcanelli" est un aritocrate d'un certain âge, riche, distingué et extrêment cultivé : un génie, sur le point de découvrir la pierre philosophale et l'élixir de longue vie. mais l'homme reste invisible, n'assiste à aucune réunion des ésotéristes, Champagne et Canseliet étant les seuls à le rencontrer.

Deux volumes incontournables

Les vantardises des deux hommes ne convainquent que peu de gens lorsque, à l'automne 1926, apparaît la preuve de l'existence d'un maître. c'est un livre remarquable, le Mystère des cathédrales, publié dans une luxueuse édition à 300 exemplaires. sa préface est de canseliet et il contient 36 illustrations de Champagne. Le texte est signé Fulcanelli. L'auteur entraîne ses lecteurs dans une série d'interprétations ésotériques de monuments bien connus, puisqu'il s'agit de cathédrales gothiques. Faisant preuve d'une érudition étonnante et d'une parfaite connaissance tant de l'histoire de l'art que des symboliques ésotériques, il relève sur les édifices chrétiens des évocations codées des secrets alchimiques. Dans le portail de Notre-Dame de Paris par exemple, il retrouve sur une statue de la Vierge des médaillons représentant les sept planètes associées aux sept métaux utilisés par les alchimistes : les Soleil (or), Mercure (le mercure), Saturne (le plomb), Vénus (le cuivre), la Lune (l'argent), Mars (le fer), Jupiter (l'étain). Selon lui, les clefs de la transmutation, c'est-à-dire de l'opération alchimique consistant à transformer les métaux en or, se trouvent dans le portail, dissimulées de telle manière que seuls les initiés sauront les y découvrir. En 1929 paraît le second livre de Fulcanelli, les Demeures philosophales, où châteaux médiévaux et deumeurs centenaires sont passés au crible de la même interprétation. Architecture, formes, proportions, vitraux, sculptures, tout est analysé et Fulcanelli se livre à une fascinante démonstration. Qu'on le suive ou non dans ses élucubrations, on ne peut que reconnaître que l'oeuvre est magistrale et son auteur, un homme d'une culture peu commune.

Qui est donc Fulcanelli ?

Admiré, recherché par tous les ésotéristes de Paris, Fulcanelli reste introuvable. certains suggèrent que Canseliet et Champagne se cache derrière se pseudonyme. mais Canseliet semble bien jeune : ses propres écrits ne possèdent pas la faculté d'analyse et la vision globale de Fulcanelli ; Champagne est un candidat plus plausible : il est plus âgé et plus expérimenté, son travail d'artiste a pu l'amener à visiter toutes les cathédrales, les châteaux et les autres monuments évoqués. Mais son caractère ne correspond pas à l'image qu'on se fait de l'auteur du Mystère des cathédrales : Champagne est un noceur fanfaron et alcoolique, pas un sage.
Plusieurs occultistes célèbres sont évoqués : Pierre Dujols, Auriger, Faugerons, le Dr Jaubert, Jolivet Castelot... A chaque nom, la même objection : ces hommes ont écrit d'autres ouvrages qui sont loin de posséder la puissance de ceux de Fulcanelli. On pense enfin à Rsny aîné, auteur de la Guerre du feu et de romans de science-fiction : il est le seul dont l'écriture soit assez forte, et la culture philosophique et scientifique suffisamment vaste, pour être Fulcanelli. mais la vie de Rosny aîné est connue en détail et l'on n'y trouve pas les nombreux voyages qui lui auraient permis de connaître si bien les édifices cités dans les deux ouvrages. Seule conclusion possible : Fulcanelli n'est aucun de ces personnages, c'est bien un homme vivant et travaillant en marge des cercles ésotéristes de son époque.

Une rencontre étonnante

le Français Jacques Bergier est lui aussi un étrange personnage et un brillant cerveau. Scientifique de haut niveau, chercheur passionné et pluridisciplinaire, il est doté par la nature d'une mémoire extraordinaire qui lui permet de rendre des témoignages d'une incroyable précision. En juin 1937, à la demande du physicien nucléaire André Helbronner dont il est alors l'assistant, il rencontre un homme dont il a toutes les raisons de penser qu'il s'agit de Fulcanelli.
La conversation nous est racontée par Louis Pauwels dans un livre publié en 1963 et qui obtient un succès immédiat : le Matin des magiciens. L'interlocuteur de Bergier - celui-ci se refusera toujours à dire qui il a rencontré - le met en garde cntre les dangers qu'il y a à manipuler l'énergie nucléaire. Maniant les termes scientifiques les plus spécialisés avec une aisance extrême, il témoigne d'une étrange connaissance des expériences les plus récente d'Helbronner - il est vrai que c'est l'assistant de celui-ci qui rapporte ses paroles - et déclare, huit ans avant Hiroshima - mais le récit date de 1963 -, que "des explosifs atomiques peuvent être fabriqués à partir de quelques grammes de métal et raser des villes". Il ajoute que "des arrangements géométriques de métaux extrêmement purs suffisent pour déchaîner des forces atomiques, sans qu'il y ait besoin d'utiliser l'électricité ou la technique du vide". Or, les recherches nucléaires s'enlisent à ce moment en tentant vainement d'exploiter l'une et l'autre méthode... Si le témoignage de Bergier est sincère, cela signifie que, plusieurs années avant que l'Américain Oppenheimer ne découvre le principe de l'énergie atomique, le mystérieux Fulcanelli, lui, en détenait le secret.



Fulcanelli décrypte un emblème

Dans les Demeures philosophales (1929), Fulcanelli décrit ainsi une coposition peinte sur une cheminée du château de Dampierre :
"Dans son ensemble, cette composition se présente comme un paradygme de la science hermétique. Dogue et dragon y tiennent la place de deux principes matériels, assemblés et retenues par l'or des sages, selon la proportion requise et l'équilibre naturel, ainsi que nous l'enseigne l'image de la balance. La main est celle de l'artisan : ferme pour manoeuvrer l'épée - hiéroglyphe du feu qui pénètre, mortifie, change les propriétés des choses - prudente dans la répartition des matières d'après les règles des poids et des mesures philosophiques. Quant aux rouleaux de pièces d'or, ils indiquent clairement la nature du résultat final et l'un des objectifs de l'oeuvre (...)
Tout aussi expressifs sont les petits médaillons, dont l'un représente la Nature, laquelle doit sans cesse servir de guide et de mentor à l'artiste, tandis que l'autre rpoclame la qualité de Rose-Croix qu'avait acquise le savant auteur de ces symboles variés. la fleur de lys héraldique correspond en effet à la rose hermétique. jointe à la croix, elle sert, comme la rose, d'enseigne et de blason au chevalier pratiquant ayant, par la grâce divine, réalisé la pierre philosophale."


L'alchimie après l'alchimie

La fin du Moyen Âge et le début de l'époque moderne ont correpondu à l'âge d'or de l'alchimie occidentale. Après le XVIe siècle, au contraire, cette discipline s'est heurtée dans l'opinion à un scepticisme croissant.
Au XVIIe siècle, un savant comme Isaac Newton annote encore soigneusement de sa main un traité d'alchimie. un siècle plus tard, c'en est fait. La méthode quantitative est introduite en chimie, l'oxygène est identifié, l'air et l'eau sont analysés : l'alchimie comme science a vécu.
Mais certaines théories alchimiques, tel le phénix, trouvent un regain de vie dans les découvertes de la physique moderne : les recherches menées sur la structure atomique de la matière, les transmutations spontanées des corps radioactifs, la modification des structures atomiques par bombardement de particules confirment l'unité fondamentale de la nature, pressentie par les philosophes ésotériques, de Pythagore à Flamel et Paracelse.

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