02/11/2010

Le mythe des enfants-loups

Le mythe des enfants-loups

Mowgli, le héros du Livre de la jungle, du grand écrivain anglais Rudyard Kipling, a rendu populaire le thème des enfants sauvages.
Les enfants-loups existent-ils ? Cette énigme a préoccupé les hommes depuis les temps les plus lointains. Le débat est essentiel : quelle est la frontière entre l’état animal et l’état humain ?


L’historien grec Hérodote nous rapporte, dès le Ve siècle avant notre ère, qu’un pharaon, Psammétique, avait tenté une étrange expérience. Il s’agissait en réalité de connaître quelle était la « langue première » de l’humanité. On prit donc deux nouveau-nés à leurs parents et on les confia à un berger pour qu’il les élevât avec ses chèvres.
Le pharaon avait ordonné que personne ne leur dise un mot et qu’ils vivent dans une cabane isolée du monde extérieur. Au moment voulu, ils devaient être allaités par les chèvres et ils devaient recevoir tous les soins dont ils auraient besoin. Malheureusement, Hérodote ne nous dit rien sur les résultats de cette curieuse expérience.
Il est d’ailleurs plus que probable que les enfants soient restés complètement muets : l’enfant apprend sa langue en entendant parler ses parents.
Au Moyen Age, l’empereur allemand Frédéric II de Hohenstaufen chercha lui aussi à savoir quelle sorte de langage et quelle façon de parler adopteraient des enfants élevés sans jamais parler à qui que ce fût. « Aussi, nous dit dans sa chronique le moine franciscain Salimbene, demanda-t-il à des nourrices d’élever les enfants, de les baigner, de les laver, mais en aucune façon de babiller avec eux ou de leur parler, car il voudrait savoir s’ils parleraient l’hébreu, le plus ancien des langages (c’est tout au moins ce que l’on croyait à cette époque), ou le grec, ou le latin, ou l’arabe, ou peut-être encore le langage des parents dont ils étaient issus.
« Mais il œuvra pour rien, car tous les enfants moururent… En effet, ils ne pouvaient pas survivre sans les visages souriants, les caresses et les paroles pleines d’amour de leurs nourrices. »
Le XVIIIe siècle reprendra ce thème de l’enfant sauvage et, dans une pièce de théâtre, la Dispute, Marivaux mettra en scène un prince qui tente de renouveler l’expérience de Frédéric II : il décide que deux enfants mâles et deux enfants femelles seront élevés seuls à la campagne, gardés seulement par leurs parents nourriciers :deux personnes de race noire, le frère et la sœur :
« Il y a dix-huit ou dix-neuf ans – explique-t-il à sa confidente lorsque commence la pièce – que mon père, naturellement philosophe, résolut de savoir à quoi s’en tenir par une épreuve qui ne laissait rien à désirer. Quatre enfants au berceau, deux de votre sexe et deux du nôtre, furent portés dans la forêt, où il avait fait bâtir cette maison exprès pour eux, où chacun d’eux fut logé à part, et où, actuellement même, il occupe un terrain dont il n’est jamais sorti, de sorte qu’ils ne se sont jamais vus.
Ils ne connaissaient encore que Mesrou et sa sœur qui les ont élevés et on toujours pris soin d’eux, et qui furent choisis de la couleur dont ils sont afin que leurs élèves en fussent étonnés quand ils verraient d’autres hommes. On va donc pour la première fois leur laisser la liberté de sortir et de se connaître, on peut regarder le commerce qu’ils vont avoir ensemble comme le premier âge du monde. »
Tous ces auteurs ne faisaient d’ailleurs que reprendre le mythe des anciens peuples, où l’on voit Remus et Romulus téter la louve et le jeune Jupiter boire le lait de la chèvre Amalthée. A l’époque historique, c’est par dizaine que l’on dénombre les enfants élevés par des animaux, loups ou autres mammifères. Au point que les philosophes des Lumières s’intéressent fort à ces cas étranges, Buffon et Condillac parlent d’eux, et Jean-Jacques Rousseau écrit :
« Les enfants commencent à marcher à quatre pattes et ont besoin de notre exemple et de nos leçons pour apprendre à se tenir debout. L’enfant de Hesse avait été sauvé par des loups. Il avait tellement pris l’habitude de marcher comme les animaux qu’il fallut lui attacher des pièces de bois qui le forçaient à se tenir en équilibre sur ses deux pieds. »
« Il en était de même de l’enfant qu’on trouva dans les forêt de Lituanie et qui vivait parmi les ours. Il ne donnait, dit M. de Condillac, aucune marque de raison, marchait sur ses pieds et sur ses mains, n’avait aucun langage et formait des sons qui ne ressemblaient en rien à ceux d’un homme. Le petit sauvage d’Hanovre, qu’on mena il y a plusieurs années à la cour d’Angleterre, avait toutes les peines du monde à s’assujettir à marcher sur deux pieds : et l’on trouve deux autres sauvages dans les Pyrénées qui couraient par la montagne à la manière des quadrupèdes. »
L’enfant-loup de Wetteravie, trouvé en 1544 près d’Echzel, dans la forêt de Hardt, en Bavière, fut l’un des premiers dont l’histoire ait retenu le nom. Il avait environ 12 ans lorsqu’il fut capturé par des hommes. Cette même année, un autre enfant était découvert, en Hesse, parmi des loups. L’historien Philippe Camerarius rapport que ce garçon avait été enlevé à l’âge de 3 ans par ces animaux et qu’il marchait à quatre pattes. Les loups, dit-il, s’étaient pris de tant d’affection pour lui qu’ils le nourrirent des meilleurs morceaux de leur proie, et l’exercèrent à la course jusqu’à ce qu’il fût en état de les suivre au trot et de faire les plus grands sauts.
Ils prenaient grand soin de son bien-être, puisqu’ils avaient creusé une fosse pour l’abriter pendant la nuit et l’avaient garnie de feuilles. Ils se couchaient tous autour de lui pour le protéger du froid. Le naïf chroniqueur s’écrie : « Si c’est vrai, cela est digne d’admiration. » Faut-il s’étonner si, hébergé à la cour du Landgrave, Henri de Hesse, l’enfant-loup, avait dit qu’il préférait encore retourner avec les loups plutôt que de vivre parmi les hommes ?
Un beau jour de 1661, un enfant bien proportionné, à la peau très blanche, les cheveux blonds et les traits du visage agréables, fut trouvé par des chasseurs dans la forêt de Lituanie. Il vivait au milieu des ours, et se défendit avec les ongles et les dents contre ceux qui voulaient l’attraper. Il avait avec lui un compagnon de son âge, mais qui eut le temps de s’enfuir avant d’être capturé.
A la fin du siècle, et toujours en Lituanie, on prit un autre enfant parmi des ours : il avait une dizaine d’années, était couvert de poils et ne donnait, raconte-t-on, aucune marque de raison. Il n’articulait aucun langage humain. On parvint cependant à lui apprendre à se tenir debout, à se nourrir normalement et à prononcer quelques mots, mais, lorsqu’il fut en mesure de s’exprimer, il ne put se souvenir de son passé. L’enfant-mouton, trouvé dans une forêt d’Irlande, en 1672, mangeait de l’herbe et du foin qu’il choisissait à l’odorat. Il courait très vite et était fort agile. On le connaît bien, car il fut décrit par le célèbre professeur Nicolas Tulp, qui servit de modèle à Rembrandt lorsque celui-ci peignit sa Leçon d’anatomie, œuvre qui fait toujours al gloire du musée d’Amsterdam. D’après lui, il avait le front plat, l’arrière de la tête allongé, la langue épaisse et le ventre enfoncé, particularité due, d’après le professeur, à son habitude de marcher à quarte pattes. Enfin, il bêlait au lieu de parler.
Un cas semblable existait à la fin du XVIe siècle, à Bamberg, en Allemagne. Il s’agissait cette fois d’un enfant qui avait été élevé parmi les bœufs et qui se battait à coups de dents avec les plus grands chiens, qu’il parvenait ainsi à mettre en fuite.
Vient ensuite l’affaire tout aussi curieuse d’une « fille sauvage »…

L’Australie – le yowies

L’Australie – le yowies

Avec ses millions de km carrés complètement désertiques et inhabités, il aurait été étonnant que l’Australie n’abritât pas d’hommes-bêtes. Les indigènes leur ont donné plusieurs noms, dont le plus courant est celui de yowie. Ces yowies sont signalés régulièrement, plus particulièrement en Nouvelle-Galles du Sud et au Queensland. Le 3 octobre 1894, un jeune garçon, Johnnie Mac Williams, aperçoit l’un d’eux près de Snowball : « Un grand homme aux cheveux longs. » La créature, qui vient de jaillir d’un fourré, est aussi surprise de cette rencontre que le jeune homme : en apercevant Johnnie, elle détale à travers champs, se cognant la jambe contre un tronc d’arbre, ce qui lui arrache des hurlements.



Au début du siècle, Joseph et William Webb vont se trouver confrontés à un yowie dans des circonstances pour le moins mouvementées. Près de Brindabella, en Nouvelle-Galles du Sud, ils entendent une sorte de beuglement « guttural et caverneux », ainsi que des bruits inquiétants tout autour de leur campement.
Le directeur du journal local Queanbeyan Age a relaté leur aventure : « L’instant d’après, ils aperçurent quelque chose qui marchait debout, mais dont ils ne distinguaient que le haut du corps. Pour autant qu’on pût l’entrevoir dans l’obscurité, la créature avait une tête hirsute, profondément enfoncée dans les épaules. Se rapprochant du campement, elle devint enfin parfaitement visible : d’une stature voisine de celle de l’homme, elle avançait pesamment, à grandes enjambées.
Les deux compagnons l’interpellèrent : Qui va là ? Répondez ou nous tirons ! En guise de réponse, ils n’entendirent qu’un beuglement rauque. Ils mirent alors la créature en joue. La détonation du fusil se répercuta le long de la vallée, mais, si la « chose » fut atteinte, elle ne sembla pas affectée par le coup de feu. Elle tourna les talons et s’enfuit. »
L’Australien Rex Gilroy a longuement étudié les yowies. Il a dépouillé plus de trois mille rapports sur leurs apparitions pour arriver à la conclusion suivante : ces dernières années, on a vu beaucoup plus de yowies que lors des décennies précédentes.
Le témoignage d’un employé du parc national de la région de Spingbrook, dans le Queensland, est particulièrement intéressant : en mars 1978, il a vu de très près un yowie de plus de 2 mètres. « J’ai eu l’impression, raconta-t-il par la suite, d’une présence toute proche. Je lève les yeux et, là, à moins de 4 mètres de moi, j’aperçois une silhouette vaguement humaine, noire et velue. Elle ressemblait tout particulièrement à un gorille. Une de ses énormes mains était agrippée au tronc d’un jeune arbre, qu’elle entourait complètement.
La « chose » avait une face aplatie, noire et luisante, avec de grands yeux jaunâtres et un grand trou en guise de bouche. Nous sommes restés là à nous regarder fixement. J’étais paralysé de peur, si bien que je me sentais incapable de lever la hache que j’avais à la main. Nous nous tenions ainsi immobiles depuis une dizaine de minutes environ lorsqu’elle libéra soudain une odeur nauséabonde, si fétide que je me mis à vomir. Elle tourna alors les talons et disparut rapidement. »
Par son aspect autant que par son comportement, le yowie australien rappelle le bigfoot américain, dont il est peut-être un cousin éloigné.

Le bigfoot américain

Le bigfoot américain

Les bigfoot n’ont cessé de se manifester en Amérique du Nord depuis une dizaine d’années. Il est devenu difficile, aujourd’hui, de nier leur existence. On commence à les signaler dès les années 1830.
En 1851, deux chasseurs de Greene County, dans l’Arkansas, croisent un troupeau de bétail pourchassé par un « animal ayant indiscutablement une apparence humaine ». D’après l’un d’eux, « la créature avait une taille gigantesque, le corps entièrement velu et de grandes mèches de cheveux qui lui couvraient les épaules comme une crinière ». Après avoir observé les deux hommes pendant un bon moment, la créature tourna les talons et s’enfuit rapidement. Les empreintes laissées par ses pieds faisaient 33 centimètres.



L’auteur du récit précisait : « Il devait s’agir là d’un survivant du grand tremblement de terre qui avait dévasté la région en 1811. »
Cet épisode confirme que les bigfoot ne se trouvent pas exclusivement dans les régions du Nord-Ouest américain (Californie du Nord, Oregon, État de Washington et Colombie britannique). On en a aperçu dans presque tous les États-Unis, partout où se trouvent de grandes étendues inhabitées, et jusqu’en Floride, où on a récemment enregistré de nombreuses apparitions de shunk apes (« singes puants »).
En recoupant les témoignages, on s’aperçoit que les bigfoot sont des créatures timides, voire farouches, qui ne cherchent pas à approcher les hommes de trop près. Elles peuvent pourtant se montrer curieuses, et on en a vu rôder, la nuit, autour des terrains de camping isolés dans les bois. Il leur est même arrivé de secouer voitures et caravanes… De même, quelques bigfoot ont parfois été aperçus dans les parages de fermes et de ranchs, où ils cherchaient sans doute de la nourriture.
Plus les bigfoot faisaient parlaient d’eux, plus les témoignages affluaient. Entre 1960 et 1970, les autorités se sont retrouvées submergées de témoignages. Cela ne signifie pas que le nombre de ces êtres augmente mais plutôt qu’ils sont en voie d’extinction, privés par les hommes de zones tranquilles, la réduction de leur espace vital les poussant justement à se rapprocher de nous.
Le dossier américain des bigfoot comprend aujourd’hui plus de mille témoignages, répartis sur 150 ans. C’est énorme, surtout si l’on considère qu’à peine un cas sur dix doit être signalé aux autorités. De nombreux autres témoignages font état d’empreintes géantes d’apparence humaine, ainsi que d’excréments ou de touffes de « cheveux », dont il n’est d’ailleurs pas prouvé qu’ils appartiennent à des bigfoot. En 1924, Albert Ostman affirme avoir vécu la plus dramatique des rencontres avec un de ces bigfoot. Il prétend avoir été kidnappé par l’un d’eux, en Colombie britannique, alors qu’il était endormi dans son sac de couchage. La créature, haute de 2.50 mètres, l’aurait emporté sur son dos, marchant près de trois heures avant de le déposer au milieu d’une famille de bigfoot : un couple d’adultes et deux enfants.
Au cours de ses trois jours de captivité, Albert Ostman aurait eu tout le loisir de les observer et même de se lier d’amitié avec le plus âgé d’entre-eux. Pour s’évader, le campeur aurait renoncé à se servir de sa carabine, conservée dans son sac, et aurait profité d’un relâchement de la vigilance du bigfoot âgé.
Le mystère des bigfoot sera-t-il éclairci un jour ? On peut en douter devant l’afflux de témoignages contradictoires : tantôt ce sont des géants, tantôt ils sont de taille simplement supérieure à la moyenne. Tantôt dangereux, tantôt débonnaires. Enfin, pour achever de nous dérouter, ils semblent parfois mêlés – est-ce une coïncidence ? – à des phénomènes surnaturels.
Si l’on examine tous les témoignages, la taille moyenne du bigfoot semble osciller entre 1.80 mètre et 2.20 mètre. Mais certains affirment en avoir rencontré de bien plus grands. C’est ainsi qu’en 1977, à Belt Creek Canyon (Montana), un sous-officier de l’armée de l’air américaine qui campait avec deux camarades aurait été poursuivi par un bigfoot mesurant de 4 à 5 mètres. Mais faut-il se fier aux estimations de témoins en proie à une émotion bien compréhensible ?
Quelquefois, cependant, des repères précis ont pu être relevés : en avril 1979, le jeune Tim Meissner, âgé de 16 ans, aperçut à deux reprises un bigfoot près de sa maison, en Colombie britannique. La première fois, il trouva sous les arbres, à l’endroit où il avait vu cette créature avant qu’elle ne se sauve, un cadavre de cerf, le cou brisé.
Deux jours plus tard, avec deux camarades, il voit à nouveau cet être noir et velu, aux yeux flamboyants, distant d’une cinquantaine de mètres. Il tire. Manqué ! Le bigfoot s’enfuit. Les jeunes garçons s’approchent de l’arbre devant lequel il se tenait. Prenant l’une des branches comme repère, ils ont évalué sa taille à 2.70 mètres.
Les yeux flamboyants des bigfoot sont mentionnés dans d’autres récits. Tantôt rougeâtres, tantôt jaunes ou encore d’un vert phosphorescent, mais toujours terrifiants. De même, leur odeur « fétide » rappelant, au dire de certains, celle de cadavres en décomposition. Pourtant, d’autres témoins n’en ont pas été frappés. Selon certains, les bigfoot produiraient ces émanations nauséabondes afin de tenir à distance les indésirables que nous sommes.
Les bigfoot, il est vrai, semblent vouloir préserver jalousement leur solitude agreste. En 1955, à Mica Mountain (Colombie britannique), William Rose a vu une femelle bigfoot, haute de 1.80 mètre, s’approcher du fourré dans lequel il était dissimulé et a pu ainsi observer la créature à son insu : »Mais à la fin, mon odeur dut lui parvenir, car elle me fixa soudain à travers les branches avec un air de stupéfaction intense du plus haut comique. Toujours à croupetons, elle recula de deux ou trois pas, se redressa de toute sa hauteur, sans cesser de me dévisager, puis s’enfuit. Mais avant de disparaître, elle se retourna encore plusieurs fois pour me regarder. Elle n’avait pas vraiment l’air effrayé, ni furieuse. On aurait dit seulement qu’elle ne souhaitait pas frayer avec des étrangers. »
Certains récits laissent supposer qu’il serait possible, avec une bonne dose de patience et d’abnégation, d’apprivoiser des bigfoot.
En 1967, à Lower Bank (New Jersey), un Américain et sa femme ont découvert, à plusieurs reprises, des empreintes de pieds autour de leur maison. Elles ne mesuraient pas moins de 43 cm ! Ils ont également aperçu, à travers leur fenêtre, un visage collé contre la vitre, à plus de 2 mètres de hauteur. C’est alors qu’ils ont pris l’habitude de déposer, dans le jardin, les restes de leurs repas. Leur mystérieux visiteur les mangeait non moins régulièrement.
Un soir, ils ont oublié leur offrande, et le bigfoot a manifesté bruyamment son dépit, allant même jusqu’à lancer des projectiles (dont une poubelle) contre leurs murs. Après avoir, sans résultats, tiré un coup en l’air pour l’effrayer, l’homme a dû faire feu sur son « hôte », qui a détalé pour ne plus jamais revenir.
Cette hésitation au moment de tirer sur un bigfoot, bien d’autres témoins l’ont ressentie : « Jusque-là, j’y avais pensé comme à une bête, nous dit l’un d’eux, mais je sentis alors que c’était un être humain et que je ne me le pardonnerais jamais si je le tuais. »

Homme ou animal ? Personne n’est capable de répondre avec certitude. En 1977, le géologue suisse François de Loys abat un homme-bête haut de 1.50 mètre à la frontière de la Colombie et du Vanazuela. D’après le zoologue Bernard Heuvelmans, il devait s’agir d’une espèce inconnue de singe-araignée (atèle).
Un rapport récemment parvenu d’ex-URSS fait état d’un homme-bête capturé et tué dans les montagnes du Daghestan, près de Buinaksk. Un officier de l’armée soviétique, le colonel Karapetyan, a vu la créature vivante et s’en souvient très bien :
« Je revois encore cet être qui se tenait debout devant moi : un mâle, entièrement nu. C’était un homme, indubitablement, bien qu’il fût entièrement recouvert d’un poil long et dur, de couleur brun foncé. Mais son allure était celle d’un homme. Sa taille était supérieure à la moyenne, au moins 1.80 mètre. Ce géant se tenait devant moi, bombant son torse impressionnant. Aucun sentiment ne se lisait dans ses yeux. Vides et inexpressifs, c’étaient ceux d’un animal. Ce n’était pas un homme déguisé. Non, c’était un être animal, une sorte d’homme sauvage. »
Deux hypothèses se présentent : ou le bigfoot (homme-bête) est réellement un homme préhistorique qui aurait subsisté, caché (presque) à notre insu. Ou bien c’est un animal, et il s’agit de quelque singe géant, peut-être une forme primitive du gigantopithèque. C’est en tout cas possible, du moins dans quelques parties du monde.
Mais à la question : homme ou bête ? Certains esprits audacieux n’hésitent pas à répondre par une troisième hypothèse. Les bigfoot seraient des êtres d’un autre monde.
Cette affirmation s’appuie sur des particularités étranges relevées chez ses individus. Ceux-ci seraient, par exemple, invulnérables aux balles, comme l’affirment certains. Il y a à cela trois explications possibles : soit que les balles ne seraient pas assez puissantes contre les créatures de cette envergure, soit que les bigfoot ne seraient pas fait de chair et d’os, soit que les tireurs, émus et effrayés, auraient manqué leur cible – encore qu’ils aient, dans quelques cas, tiré de très près…
Un autre phénomène viendrait confirmer cette hypothèse surprenante : les bigfoot sembleraient capables de disparaître sans laisser de traces, de se dématérialiser, en quelque sorte. Une Américaine de Pennsylvanie en a vu se volatiliser ainsi devant sa porte, dans un éclair de lumière. De là à leur attribuer une origine extraterrestre, il n’y a qu’un pas !
Les bigfoot, évidemment, se sont souvent manifestés dans le même temps qu’apparaissaient des ovnis. Il est tout à fait normal, dans ce cas, qu’ils aient des yeux verts…
On a aussi avancé que les bigfoot seraient l’effet d’un phénomène de perception paranormale, fréquent au voisinage de certaines sources d’énergie. On a même considéré qu’ils pourraient n’être que des hologrammes, des images tridimensionnelles, projetées à travers l’espace par une intelligence inconnue.
Ces suppositions, quelque peu hasardeuses, ont eu pour résultat de renforcer dans leurs convictions ceux qui estiment que les bigfoot, hommes-bêtes ou autres, ne sont qu’un vaste canular. Les véritables chasseurs de bigfoot, vétérans ou néophytes, méprisent, quant à eux, de telles fantaisies. Poursuivant leur quête avec acharnement, ils se disputent l’honneur d’être un jour, chacun, le premier à capturer un homme-bête « orthodoxe ».
Faudra-t-il donc tuer des bigfoot pour prouver leur existence ? « Ah ! Si nous avions un corps à disséquer », se lamentent les savants. « Ne devrions-nous pas plutôt les laisser vivre en paix, si tel est leur désir ? » répondent les amoureux de la nature.
Les empreintes de pieds, seuls éléments concrets et tangibles, sont un peu insuffisantes et bien difficiles à interpréter correctement. En 1967, grand évènement ! On a cru tenir un argument de poids : on avait filmé des bigfoot. Il n’y avait là, à vrai dire, que 9 mètres de pellicule en 16 millimètres couleurs, et fort tremblotants… La caméra était tenue par Roger Patterson.
Ce chasseur de bigfoot était précisément à la recherche de sa proie favorite quand, chevauchant dans la forêt de Bluff Creek, en Californie du Nord, en compagnie de Bob Gimlin, ils aperçurent une femelle bigfoot accroupie près d’un ruisseau. Patterson, sautant à bas de sa monture, empoigna sa caméra et courut, tout en filmant, derrière la créature qui s’enfuyait. Le bigfoot, avant de disparaître, se retourna pour regarder les deux hommes.
Depuis 1967, on a visionné et étudié cette bobine des centaines de fois, sans pour autant en arriver à des conclusions évidentes. Si l’on n’a pas pu démontrer qu’il s’agissait d’un mystification, les savants demeurent toutefois fort réservés.
Méfiance naturelle ou préjugé scientifique, le bigfoot ne « peut » pas exister, donc il n’existe pas ! Les hommes-bêtes n’en continuent pas moins d’apparaître régulièrement dans toutes les parties du monde.

Sur les traces du Yéti

Sur les traces du Yéti

Si tout le monde a entendu parler du yeti, l’ « abominable » homme des neiges », rares sont ceux qui connaissent l’existence d’être s mystérieux, mi-hommes, mi-bêtes, qui hantent l’Amérique du Nord, la jungle amazonienne, l’Australie ou la Sibérie. Bien entendu, ces créatures se soucient peu de fournir des preuves de leur existence. Pourtant, des témoins sont formels… Une pièce à verser au dossier des hommes-bêtes.


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Massue à la main, le corps couvert d’une épaisse toison, les « hommes des bois » et autres « hommes sauvages » n’ont pas cessé de hanter les légendes de la vieille Europe. Les sculpteurs du Moyen Age leur ont même consacré quelques émouvants chapiteaux. Pour les esprits simples, ces créatures sont légendaires et doivent le rester : elles sont évidemment sorties de l’imagination populaire, toujours fertile. Pour les plus curieux, une certitude s’impose : Il y a quelque chose… Mais quoi ?

Les Indiens d’Amérique du Nord l’appellent sasquatch. Les Yankees l’ont baptisé Bigfoot (grand pied). Récemment, il s’est si souvent manifesté qu’il a presque éclipsé ses « confrères », dont la présence est signalée dans des contrées moins accessibles… ou moins fréquentes par ceux qui sont avides de publicité !

Pourtant, de temps en temps, des nouvelles nous arrivent de l’Himalaya, la terre d’élection du yeti, le fameux « abominable homme des neiges ». Parfois, ce sont de simples – mais éloquentes ! – traces dans la neige. Parfois encore, c’est le yéti lui-même qui se profile sur le fond de brume et de tempête de neige.

Des faits ? En 1974, une jeune Népalaise est attaquée par un yéti. Elle gardait un troupeau de yacks dans l’Everest, à plus de 4 000 m d’altitude. En 1978, Lord et Lady Hunt effectuent un voyage au Népal, pour commémorer la première ascension de l’Everest, réussie vingt-cinq ans plus tôt. Ils découvrent de gigantesques traces de pas dans la neige, tout autour de leur refuge. Leurs photographies sont impressionnantes.

En Chine, les apparitions d’hommes sauvages ou d’hommes-bêtes n’ont pas donné lieu à beaucoup de commentaires. Rareté du yeti ou perplexité officielle ? Nul ne sait. Toujours est-il que, vers le milieu des années soixante-dix, de singuliers rapports ont été reçus de la province du Ho-pei et de celle du Chan-si, régions montagneuses et boisées de la Chine du Nord : de singulières créatures auraient été aperçues.

Le témoignage de Pang Gensheng, un chef de village de trente-trois ans, ne manque pas d’intérêt. En juin 1977, alors qu’il coupait du bois dans les forêts des monts Taibai, dans le centre du Chan-si, Pang Gensheng a reçu la « visite » d’un homme velu. Il raconte : « Il s’approchait de moi. Je pris peur et me mis à reculer jusqu’à ce que j’aie le dos contre une paroi rocheuse. Je ne pouvais pas aller plus loin. L’homme velu, qui n’était plus qu’à deux mètres de moi, se rapprocha encore d’une cinquantaine de centimètres. Je levai alors ma hache, prêt à défendre ma vie… Nous sommes restés ainsi à nous épier, sans bouger, pendant plus d’une heure ! Ensuite, j’ai ramassé une pierre à tâtons, sans le quitter des yeux, et je l’ai lancée dans sa direction. Elle l’atteignit à la poitrine. Il poussa des hurlements et se mit à frotter l’endroit avec sa main gauche. Puis, il se tourna vers la gauche et s’appuya contre un arbre. Il est enfin parti lentement, vers le fond du ravin, tout en grognant… »

L’ « homme », qui mesurait environ 2.10 m, avait un front fuyant, des yeux noirs très enfoncés, une mâchoire saillante et des dents larges. Ses longs cheveux bruns flottaient librement sur ses épaules. Son visage et son corps étaient couvert de poils. Il marchait en écartant largement les jambes et les bras, qui, très longs, descendaient plus bas que ses genoux.

Les chercheurs de l’Institut de paléo-anthropologie de l’Académie des sciences chinoise se sont largement penchés sur ces rapports et les ont attentivement étudiés. Sans pouvoir, à ce jour, résoudre l’énigme de l’homme sauvage du Chan-si. Il faut simplement remarquer que la description détaillée fournie par Pang Gensheng correspond tout à fait au signalement des autres hommes-bêtes aperçus dans les différentes parties du globe. Il faut également noter que, la plupart du temps, le comportement de ces créatures a été sensiblement le même.

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En Union soviétique, un programme d’études est en cours depuis 1955. Le docteur Jeanna Kofman est, depuis cette date-là, sur la piste des almas qui hanteraient le Caucase. Elle a déjà recueilli plus de 4 000 témoignages.

Parmi ceux-ci, celui de Mohamed Tomakov, un fermier de trente-neuf ans, qui a réussi à prendre au piège, dans une hutte de montagne, un de ces almas. C’était près de Getmish, en 1946. Selon son témoignage, la créature avait un aspect humain, mais elle était entièrement velue. Elle se déplaçait à quatre pattes, se redressant sur ses deux jambes lorsqu’elle s’arrêtait (en Amérique du Nord, on a vu, mais rarement, des Bigfoot courir à quatre pattes). Tomakov, qui avait vu l’almas pénétrer à l’intérieur de la hutte, avait bloqué la porte et était reparti chercher une corde. A son retour, la porte était ouverte et la hutte… vide !

De nombreux témoignages se recoupent quant à la présence d’hommes sauvages dans le Pamir, montagnes d’U.R.S.S. qui prolongent au nord-ouest la chaîne de l’Himalaya. Ainsi, à l’été 1979, une expédition soviétique a relevé, dans la neige, des empreintes de pied longues de 34 cm et larges de 16.5 cm à la hauteur des orteils. Mais sans jamais apercevoir la créature qui avait laissé de telles traces.

En Sibérie, toujours sur le territoire soviétique, d’autres hommes sauvages ont été signalés. Au début des années soixante, sur les rives de l’Obi, un chasseur a vu, un soir, deux de ces créatures déboucher soudain de la forêt. Effrayés par les deux « hommes », les chiens du chasseur s’enfuirent aussitôt, sans qu’il leur arrive aucun mal. (On a souvent remarqué que les hommes-bêtes terrorisent les chiens. Aux États-Unis, il est arrivé qu’un Bigfoot en blesse ou en tue plusieurs.) Stupéfait, le chasseur a eu le temps de noter que les hommes sauvages étaient couverts d’une toison sombre, qu’ils avaient des bras très longs et qu’ils marchaient les pieds en dehors. Leurs yeux lançaient des lueurs rouge sombre. Ce qui est une autre caractéristique des créatures du genre Bigfoot.

Sur le territoire de la république soviétique de Iakoutie, vers 1920, des villageois ont aperçu un chuchunaa (un proscrit) – ce mot servant, dans leur langue, à designer les hommes-bêtes : « Il était donc en train de cueillir des baies, a expliqué un des villageois, et il s’en s'empiffrait, utilisant ses deux mains pour les porter a sa bouche. A notre vue, il se dressa soudain de toute sa hauteur. Il était vraiment très grand – il faisait bien deux mètres – et passablement maigre. Il se tenait pieds nus, vêtu de peaux de daim, et il avait les bras très longs. Ainsi qu’une tignasse emmêlée. Sa tête avait à peu près la grosseur de celle d’un homme ordinaire, avec un front bas et des arcades sourcilières très proéminentes, formant comme une visière au-dessus de ses yeux. Son menton était particulièrement fort, beaucoup plus développé qu’il ne l’est chez les hommes. Malgré tout, taille mise à part, il ressemblait vraiment à un homme. Il détala aussitôt. Il courait très vite, faisant un bond tous les trois pas. »

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D’où vient le yéti ?

Bien des théories, plus ou moins satisfaisantes, ont été échafaudées à propos des origines du yéti. Selon une des hypothèses les plus séduisantes, il descendrait du gigantopithèque, ce singe géant dont on a découvert les fossiles en Inde et en Chine. L’examen de ces restes indiquerait que le gigantopithèque vivait il y a au moins 12 millions d’années ; toutefois, d’après certains chercheurs, il vivait encore voici quelque 500 000 ans. Pendant ce même intervalle de temps, la chaîne de l’Himalaya a subi une élévation globale de 2 500 à 3 000 m. Du fait de ce brusque changement d’altitude, un grand nombre d’espèces – y compris l’éventuel ancêtre du yéti – se seraient ainsi trouvées isolées de leur habitat traditionnel.

Certains savants affirment que le fait de rencontrer des empreintes de yétis uniquement au-dessus de la limite des neiges éternelles n’est pas significatif. Ce type de terrain n’est d’ailleurs pas idéal pour supporter le poids de gros mammifères. L’habitat naturel du yéti serait en réalité les vallées boisées situées beaucoup plus bas au flanc des montagnes. Dans ces parages, il est beaucoup plus facile au yéti de se dissimuler grâce à la végétation dense et aux brouillards fréquents. De plus, ces régions sont pratiquement inhabitées, de sorte qu’il peut y couler des jours paisibles.

Aux changements de saison, cependant, il peut être amené, pour gagner les vallées voisines, à franchir des coins enneigés. D’où ces traces de pas aperçues dans la zone des neiges.

Les monstres des profondeurs

Les monstres des profondeurs

S'il n'était qu'un mythe de journaliste en mal de coupe, le « serpent de mer » s'effacerait vite des mémoires. Pourtant, il a toujours accompagné l'homme dans ses aventures sur les mers. Les témoignages abondent et se recoupent. Il faut savoir les peser et les ordonner. Une enquête de zoologie fantastique.


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Monstres marins

Puisque 60 % de la surface de notre globe sont sous les eaux, il ne faut pas s'étonner de la constances avec laquelle, depuis l'antiquité, les hommes rapportent leurs rencontres avec des monstres marins géants.

La Bible parle à cinq reprises du Léviathan, ce monstre mi-serpent mi-dragon, issu du folklore phénicien, qui se retrouve dans la plupart des mythologies orientales. En Europe, ce sont les navigateurs scandinaves qui nous ont donné les premières relations de telles apparitions. L'archevêque Olaus Magnus, exilé à Rome au XVIe siècle, a publié vers 1555 une longue histoire des pays nordiques, pleine de récits inquiétants sur les serpents de mer.

Il y décrit notamment une créature de 60 m de long pour 6m de tour de taille, qui mangeait des veaux, des agneaux, des porcs et même des pêcheurs : « un animal noir, avec une sorte de crinière, des yeux brillants, la tête dressée comme un chapiteau sur une colonne ». Curieusement, de nombreuses descriptions plus récentes correspondent à cette ancienne relation.

Au XVIIIe siècle, on signale encore un serpent de mer géant au large de la Norvège. Un autre archevêque, Erik Pontoppidan, en fait un livre en 1752, dans lequel il rapporte tous les témoignages qu'il a pu recueillir sur ce sujet.

Mais le XVIIIe siècle, c'est aussi le déferlement de la rationalité scientifique. Les apparitions de monstres en mer sont reléguées au rang de légendes pour marins et tournées en dérision. Pourtant, les fameux monstres n'en continuent pas moins à surgir sous les yeux des navigateurs terrorisés.

S'il est de bon ton d'expliquer que les « bosses » des serpents aperçues au-dessus des vagues ne sont que des bancs de dauphins en train de jouer, quelques scientifiques acceptent l'hypothèse de serpents de mer géants. En 1893, Thomas Huxley écrit qu'il n'y a aucune raison pour qu'on ne trouve pas de reptiles de 15 m de long – ou plus – dans la mer. En 1877, A.O. Bartlett affirmait déjà qu'il n'était guère intelligent de mépriser un fait attesté par autant de témoignages différents.

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Sir Joseph Banks

Les savants qui croient au serpent de mer : Sir Joseph Banks (1743-1820), un éminent naturaliste anglais et Thomas Huxley (1825-1895), une autorité scientifique de premier plan. Pour de nombreux biologistes, il serait absurde de nier un fait largement attesté. Jusqu'aux XVIIIe siècle, on pensait que les océans étaient peuplés de baleines monstrueuses aux crocs acérés.

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Thomas Huxley

Dans la première moitié du XIXe siècle, les apparitions de monstres marins se multiplient le long des côtes nord-américaines. Constantin Samuel Rafinesque se passionne pour leur étude et met son talent de naturaliste réputé au service de la défense du mégophias, ou grand serpent.

Les polémiques entre partisans et adversaires de l'existence du serpent de mer font rage. On s'insulte dans les colonnes du Times londonien. Les ennemies les plus résolus du mégophias vont jusqu'à faire publier des faux témoignages d'apparitions pour ridiculiser les défenseurs des monstres marins. Au début du Xxe siècle, beaucoup de témoins n'oseront pas affirmer publiquement ce qu'ils ont vu : « Ne dites rien, lance le capitaine du Grangense à ses hommes immédiatement après une de ces apparitions, ils diraient que nous étions saouls... »

Et pourtant, tous les témoignages sont formels, il se passe parfois de drôles de choses sur la mer. Autour du Grangense, c'est une sorte de crocodile géant, avec des dents longues de 15 cm, qui est venu s'ébattre. Le bateau était au large des côtes brésiliennes. Plusieurs années auparavant, l'équipage de l'Eagle britannique avait vu un tel monstre, dans les mêmes parages.

Commentaire du lieutenant George Senford, du navire marchand Lady Combermere, après avoir aperçu, à moins de 200 m de son navire, un serpent long d'environ 20 m : « Nous n'avons pas pu nous tromper et nous sommes tous très heureux d'avoir eu la chance de voir le « véritable serpent de mer », dont on disait qu'il était le produit de l'imagination de quelques skippers yankees ! »

En 1879, un autre militaire, le major H. W. J. Senior, du Bengal Staff Corps, voyageant à bord du City of Baltimore, aperçoit un serpent de quelques 9 m de long, en plein golfe d'Aden. Il décrit sa tête comme celle d'un bulldog. Son rapport sera contresigné par plusieurs autres passagers.

Plus tard, c'est le capitaine John Ridgway qui, au cours de sa traversée de l'Atlantique à la rame, aperçoit, à 10 m de son embarcation, un serpent de mer long de 10 m, au corps « phosphorescent comme s'il avait été bordé de néon ». C'était le 25 juillet 1966. La bête plonge en direction du bateau, mais ne reparaît pas.

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Plus récemment encore, au large des côtes de Cornouailles, un de ces monstres – un Morgawr, comme on l'appelle dans la région – fait plusieurs apparitions en 1975 et 1976. Il est même pris en photo. Au pays de Galles, dans les eaux de la baie de Cardigan, en 1975, trois petites filles aperçoivent une créature traverser la plage pour plonger dans la mer. La bête avait 3 m de long, un long cou, une longue queue et ... des yeux verts. Plusieurs pêcheurs confirmèrent leurs dires en reconnaissant, sur un croquis, le monstre qu'ils avaient vu en mer.

Evidemment, chaque affaire de serpent de mer amène son lot de vrais et de faux témoignages. Les escroqueries au monstre marin abondent, depuis le journal qui veut remplir ses colonnes avec du sensationnel facile jusqu'au petit malin qui veut gagner beaucoup d'argent en vendant à la presse des clichés fabriqués.

Un examen minutieux des photos, ou une étude précise des « restes » retrouvés, conclut presque toujours à une supercherie. En 1808, un animal long de 17 m est rejeté par la tempête sur les côtes anglaises, dans les Orcades. Le dessin, fait sur place devant les témoins et avant la dispersion de la plupart des restes par la tourmente, montre un animal extraordinaire, avec un long cou, une longue queue et trois paires de pattes, caractéristiques jusque-là inconnue chez les vertébrés. Finalement, un chirurgien britannique, Everand Home, parvient à obtenir quelques spécimens récupérés sur place et n'a aucun mal à identifier la créature : un requin ! La décomposition rapide de certaines parties de son corps avait sculpté sa carcasse jusqu'à en faire un animal fabuleux.

Un autre animal fantastique s'échoue, en 1925, près de Santa Cruz, en Californie. Le cou semble mesurer 8 m de long et la tête présente un curieux bec. Ce n'est qu'une carcasse de baleine à bec, une espèce très rare qui ne se rencontre que dans le Pacifique Nord. C'est sensiblement la même histoire qui défraie la chronique australienne à l'été 1960 : les restes d'un étrange animal sont échoués sur une plage. Finalement, il ne s'agissait que d'un énorme morceau de gras de baleine.

Le 25 avril 1977, le chalutier japonais Zuiyo Maru remonte dans ses filets, au large de la Nouvelle-Zélande, une carcasse aux contours monstrueux. Avant de la rejeter à la mer, le capitaine prend le soin de la photographier et de la faire dessiner. La presse du monde entier s'arrache les photos... d'un requin géant décomposé !

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Carapace

Malgré tout, à défaut de preuves concrètes, il faut bien considérer comme convaincants les récits répétés depuis des années, et même des siècles, d'apparitions de monstres marins, toujours dans la même région. Dans le détroit de Géorgie, sur la côte occidentale canadienne, on connaît le Caddy – Cadbosaurus pour les savants – depuis des générations. Avant l'arrivée des Blancs, il terrorisait déjà les Indiens. Récemment, plusieurs pêcheurs l'ont encore aperçu.

Plus au sud, sur la côte Pacifique, dans une zone de pêche hauturière très appréciée, près de l'île de San Clemente, les témoignages à propos de serpents de mer abondent et viennent de gens « éclairés », plutôt difficiles à s'émouvoir et soucieux ordinairement de s'éviter le ridicule.

Pourquoi, dans ces conditions, le serpent de mer est-il si mal connu ? Sans doute en partie à cause du progrès : on peut imaginer que les monstres marins – si monstres il y a – préfèrent s'écarter des voies maritimes fréquentées. Et comme l'homme ne s'éloigne guère de ce voies fréquentées... Autrefois, quand la navigation était beaucoup plus imprécise et silencieuse, les rencontres étaient logiquement plus nombreuses.

Un homme, pourtant, s'est acharné à étudier ces créatures déroutantes : Bernard Heuvelmans, un zoologiste belge spécialisé dans la recherche des animaux disparus. Publié voici quelques années, son ouvrage, Dans le sillage des serpents de mer, est le plus exhaustif et le plus détaillé de ceux qui existent sur le sujet. L'auteur a dépouillé près de six cents témoignages oculaires, recueillis entre 1639 et 1964. Une soixantaine se rapportait à des animaux connus pris à tort pour des monstres. Cent vingt cas enfin ont été éliminés pour l'insuffisance des détails relatés ou un trop grand flou dans la description. Restent quelque trois cent cinquante cas. Les plus passionnants.

Après avoir attentivement étudiés, Bernard Heuvelmans les classe en neuf types distincts de manifestations, qui vont du serpent de mer « au long cou » et au corps en forme de cigare – le plus souvent observé – jusqu'au crocodile géant long de 15 à 20 m, qui n'est que très rarement observé et toujours dans des eaux tropicales. Pour les autres types, l'auteur utilise des termes purement descriptifs comme « chevaux marins », « créatures à plusieurs bosses », « phoques géants » ou « ventres jaunes ». Il fait également état d'un groupe appelé « périscopes ambigus », qui pourrait se composer d'anguilles géantes ou d'animaux à long cou.

L'anguille géante paraît bien être une créature dont l'habitat normal serait les fosses sous-marines et qui ne monterait en surface qu'à la veille de mourir. Le « saurien marin », autre nom du crocodile géant, pourrait être un animal de la période jurassique, qui aurait survécu jusqu'à maintenant dans un habitat situé au-dessous de la surface de la mer. Les créatures à « ventre jaune » ne seraient que des poissons géants, voire une variété particulière de requin.

Enfin, Bernard Heuvelmans note que, depuis le début du siècle, la plupart des apparitions concernant des monstres marins « à long cou », ce qui signifierait que leur nombre est en train d'augmenter, sans doute au détriment des autres créatures fantastiques, comme le phoque ou l'otarie géants.

L'homme est loin d'avoir exploré toute l'immensité sous-marine. Chaque année, de nouvelles espèces, de petits poissons, oubliés des abysses ou survivants de la préhistoire, sont répertoriées par les scientifiques. Demain, peut-être, la clé du mystère séculaire des serpents de mer et autres monstres marins nous sera donnée par de hardis aventuriers du monde du silence.