02/11/2010

Le poltergeist d'Enfeild

Le poltergeist d'Enfeild

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En France, il ne se passe pas de semaines sans que les gendarmes ne soient alertés par une famille victime de mystérieux "esprits frappeurs".
Des milliers de rapports, tous plus inexpliqués les uns que les autres, existent. Quelle est cette force mystérieuse qui lance les objets les plus lourds à travers l'espace ? Faut-il exorciser les victimes de ces esprits frappeurs ? Une enquête aux frontières du mental et du physique.


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Une séance de poltergeist, dans une maison d'Enfield, en septembre 1978. Janet, une fillette de douze ans, était probablement à l'origine de ces phénomènes troublants.

Des bruits mystérieux, des craquement sinistres, des odeurs infectes, des meubles qui s'envolent, des courants d'air glacés, des bruits de voix inexplicables, des jets de pierres, des lévitations involontaires, des installations électriques qui tombent en panne, des objets qui disparaissent : les "esprits frappeurs" ont une imagination féconde quand ils veulent manifester leur présence.

On appelle poltergeist ces phénomènes anormaux. Le mot est très ancien : il vient du folklore allemand et dérive de polter ("bruit") et geist ("esprit"). Avec un peu de rigueur, les chercheurs en parapsychologie ont proposé de définir toutes ces manifestations d'esprits frappeurs par le concept de psychokinésie spontanée récurrente, ou PKSR.

Les premières relations de poltergeists viennent d'Allemagne : peu avant l'an 1000, des chutes de pierres, des coups et des grands bruits ont troublé la tranquilité de Bingen, une petite ville des bords du Rhin. A partir du XIIe siècle, sous l'influence de l'Eglise, on classe les poltergeists dans la catégorie des phénomènes d'originie diabolique.

En 1184, au pays de Galles, le domicile d'un certain William Nott est ravagé par une force mystérieuse qui lacère les tentures et répand des ordures. Au XIIIe siècle, Gerald of Walles note l'existence d'un "esprit" qui apostrophe les gens. En 1599, Martin del Rio tente de classer tous les incidents connus : il compte dix-huit sortes de démons, chacune se spécialisant dans le déclenchement d'un trouble particulier.

D'après lui : "La seizième sorte de démons se compose de spectres qui, à certains moments et en certains lieux, notamment dans des maisons, sont susceptibles de créer des bruits et des troubles divers. Je ne donnerai pas d'exemples ici, ce phénomène étant parfaitement connu. Certains réveillent le dormeur en cognant sur le matelas et en faisant tomber ledit dormeur du lit."

L'étude scientifique des cas de poltergeists commence. On se demande alors si certains épisodes de la Bible ne revèleraient pas de classe d'incidents. Simultanément, la PKSR joue un rôle notable dans l'histoire du méthodisme, une doctrine affiliée au protestantisme anglo-saxon.

Pendant deux mois, en décembre 1716 et en janvier 1717, le presbytère d'Epworth (où habite le jeune John Wesley qui fondera l'église méthodiste), est le théâtre de coups violents frappés par un esprit. Pourtant, à cette époque, John est absent du presbytère.
Son père est plusieurs fois repoussé par une force mystérieuse qui bloque son chemin. Il lui arrive même d'être soulevé de son lit. En fait, l'affaire semble due à l'influence de la soeur de John, Hetty, alors âgée de dix-neuf ans.

Plus tard, tout au long du XIXe siècle, des esprits frappeurs viendront, en rand nombre répondent aux sollicitations de spirites. Ceux-ci faisaient trop bien tournoyer les tables et les pianos pour que leurs expériences soient aujourd'hui crédibles. D.D. Home, le célèbre médium spécialisé dans les lévitations spectaculaires, débuta sa carrière par un commerce soutenu avec ces epsrits.

Petit à petit, pourtant, on allait délaisser l'explication des cas de PKSR par l'influence de "certains éléments" pour se tourner alors vers des hypothèses beaucoup plus "naturelles". Dans les années quarante, on comme à expérimenter la psychokinésie, ou PK, au laboratoire de parapsychologie de l'université de Duke, aux Etats-Unis. En Angleterre, les recherches sur les phénomènes de PKSR sont menées par la Société pour la recherche psychique.

Sir William Barrett est un des animateurs de cette recherche. Il étudie suffisamment de cas pour que les phénomènes de poltergeist soient reconnus comme indubitables. Ce qui ne donnait pas, pour autant, d'explications. En Allemagne fédérale et aux Etats-Unis, les recherches sont beaucoup plus récente. Elles sont aussi plus rigoureuses et plus systématiques : le recoupement de leurs résultats aidera d'ailleurs à se faire une idée plus précise du phénomène.

En France, enfin, quelques cas célèbres ont longtemps défrayé la chronique, notamment celui du fameux curé d'Ars, régulièrement poursuivi par des esprits frappeurs, incendiaires ou destructeurs. Quand ils n'étaient pas tentateurs... La plupart des données contemporaines sont centralisées par la Gendarmerie nationale, qui les étudie attentivement et qui leur a consacré un petit bureau d'études.

Le cas de poltergeists le plus spectaculaire est très récent : il s'est manifesté d'août 1977 à septembre 1978, à Enfield, dans la banlieue nord de Londres. Plus de mille cinq cents incidents de nature PKSR ont été enregistrés, en présence de nombreux spécialistes venus étudier le problème. On a vu, parmi eux, des assistantes sociales, des thérapeutes du langage, des photographes, des psychologues, des prêtres et, bien entendu, des journalistes.

Au début, les phénomènes n'ont pas été très gênants : un léger bruit de pas dans une chambre. Ensuite le poltergeist s'est manifesté par des bruits plus marqués. Une voix profonde, rude et presque méchante, a pu être enregistrée à plusieurs reprises sur un magnétophone. Cette voix devait faire l'objet de nombreuses tentatives d'identification.

"Elle" a d'abord déclaré appartenir à un homme de soixante-douze ans, qui aurait habité dans une rue voisine. Un auditeur l'aurait identifiée comme étant celle d'un de ses oncles, un vieil original surnommé "le gitan". Mais aucune piste ne devait aboutir à la moindre preuve...

D'autres fois, l'esprit faisait voler un jouet sur la tête d'un photographe. On a vu de spapiers et des vêtements s'enflammer spontanément, des boîtes d'allumettes prendre feu à l'intérieur d'un tiroir, des couteaux et des théières se tordre devant des témoins ou des pierres éclater sur le sol.

Particulièrement vigoureuse, cette force inconnue devait également soulever la cuisinière à gaz ou projeter, hors de la maison, des meuble aussi lourds qu'un sofa, une commode ou un lit à deux places !

Au milieu de tous ces phénomènes : Janet, une fillette de douze ans. Elle fut plusieurs fois sujette à des phénomènes de lévitation involontaire, certifiés par des témoins. Avec sa soeur, elle devait être si souvent jetée hors de son lit par l'esprit qu'elle avait décidé, à la fin, de dormir par terre.

Le phénomènedevait finalement cesser, les parents finissant par s'amuser de ce poltergeist plutôt inoffensif et le traitant avec un humour et un calme délicieusement britanniques.

Généralement, un effet de poltergeist se fait annoncer par une série de coups mystérieux. Les exemples abondent et il est inutile de les détailler. Il peut arriver, pourtant, que des poltergeists débutent par des déplacements d'objets ou par d'autres manifestations insolites.

On cite souvent le cas d'une famille allemande de Neudorf, dans l'Etat de Bade, qui a vu une série de clous apparaître au plafond et tomber un à un. Ces clous se trouvaient, l'instant d'avant, dans une armoire fermée à clé. Cette même famille a pu apercevoir - le fait est certifié par le maire de Neudorf - des cintres qui prenaient leur vol à angle droit ou des objets qui sortaient des murs en étant chauds.

Cette chaleur est rapportée, en France, dnas la plupart des cas de PKSR, par les témoins qui ont ramassé des pierres mystérieuseent jetées...

Les voix non identifiables sont un des aspects les plus spectaculaires de ces poltergeists. Selon Gilles de Tourette, un médecin français du XIXe siècle, les epsrits frappeurs manifesteraient souvent des symptômes de traumatismes apparentés à la copropraxie (penchant à la scatologie) et à l'écholalie (la répétition absurde de discours entendus). Souvent, on a pu observer que les jeunes gens "possédés" par un esprit poussaient des cris obscènes et répétaient des phrases incohérentes. De tels symptômes se retrouvent chez les enfants traumatisés pour de tout autres raisons, par exemple le divorce de leurs parents.

La combustion spontanée est très souvent associée à une activité de PKSR : il existe de nombreux témoignages d'incendies déclenchés en l'absence de toute tentative volontaire directe.

Hormis les classiques jets de pierres, il existe enfin toute une série de manifestations de poltergeists absoluement étonnantes. En 1962, à Indianapolis, aux Etats-Unis, une famille est victime d'un esprit très calme, qui ne déplace rien. Il se contente de... mordre ! Surtout la grand-mère ! Il la pique également à de nombreuses reprises. Une enquête rigoureuse menée sur place a, bien entendu, trouvé la traditionnelle jeune fille en crise pubertaine. Toutefois, aucune supercherie n'a pu être établie pour les morsures.

En février 1958, la famille Hermann, de Seaford, aux Etats-Unis, est victime d'un esprit... déboucheur. Il renverse bien, de temps à autre, tous les bibelots de la maison, mais sa préférence va à tous les récipients en forme de bouteille, qu'il s'agisse d'eau minérale, de médicaments ou d'eau bénite, inefficace contre cette magie !

Les policiers et les parapsychologues appelées en renfort ne peuvent que constater l'ampleur des dégâts. Au centre de toute l'affaire, il y a, comme toujours, un jeun enfant : James, douze ans, qui ne s'aperçoit de rien quand les bouchons s'envolent. Une étude minutieuse des objets déplacés permet d'établir que l'intensité de la PKSR est directement proportionnelle à la proximité de James. Les lois "naturelles" de l'énergie sont donc respectées : plus on s'éloigne de la source d'énergie et plus elle devient faible...

Il est très rare que des phénomènes de poltergeists surviennent hors du domicile de la personne qui les provoque. C'est pourtant ce qui s'est passé, en décembre 1960, en Écosse. Virginia Campbell, onze ans, transportait son "esprit" à l'école et lui faisait ouvrir son pupitre à un moment où elle se trouvait elle-même dans l'impossibilité matérielle de le faire. Virginia faisait même voler la baguette de sa maîtresse loin du tableau. Elle s'excusait auprès de celle-ci : "Je vous assure, mademoiselle, ce n'est pas moi !"

Dans tous les cas, à de rarissimes exceptions près, ces phénomènes de PKSR paraissent donc liés à des jeunes gens en âges pubertaires. Est-ce le passage à l'âge adulte qui détermine l'arrivée de ces esprits frappeurs ? N'est-ce pas, plutôt, un phénomène lié à une certaine tension sexuelle ? Les réponses demandent à être nuancées.

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