02/11/2010

L'énigme de Sodome et Gomorrhe

L'énigme de Sodome et Gomorrhe

Que sont devenues Sodome et Gomorrhe, ces villes mystérieusement détruites et restées dans la mémoire des hommes comme symboles de vice et de dépravation ? Toutes les hypothèses ont été avancées, de l'explosion atomique à la désintégration par des armes extra-terrestres ! La vérité est peut être plus simple .


« La clameur qui s'élève de Sodome et Gomorrhe est immense et leurs péchés sont énormes . »

Il anéantit les villes et tout la contrés et tous les habitants des villes et la végétation du sol. L'épouse de Loth qui avait regardé en arrière devint une colonne de sel. Il vit monter de la terre une fumée semblable à celle d'une fournaise. » (Genèse, XVIII, 19.)

A Beni-Hassan, cultures verdoyantes et palmeraies bordent les deux rives du Nil, en cette année de 1980. Ce spectacle magnifique s'offre aux yeux de Percy A. Newberry, qui remonte le fleuve à la tête d'une expédition financée par l'Egypt Exploration Fund. La mission s'arrête à 300 km au sud du Caire, au modeste village de Beni-Hassan. But de l'expédition : retrouver des preuves évidentes de l'émigration de familles sémitiques dans la vallée du Nul.

Or, ces preuves, l'archéologue et son équipe savent qu'elles se cachent dans un réseau de sépultures situé là, à mi-chemin entre Memphis et Thèbes. Avec une persévérance exemplaire ils vont remuer, des semaines durant, des masses d'éboulis et de vestiges provenant de colonnes brisées, avec de parvenir jusqu'à l'ultime demeure de Chnem-Hotep.

Le prince Chnem-Hotep régnait sur la région vers 1900 avant J.C., sous le règne du pharaon Sésostris II. Dans une petite anti-chambre, des inscriptions hiéroglyphes immortalisent ses faits et gestes. Dépassant cette pièce, les Anglais aboutissent à une vaste salle taillée dans le roc : on y distingue trois voûtes et ce qui reste de deux rangées de colonnes. Des peintures aux couleurs intactes ornent les parois latérales, elles-mêmes revêtues d'un crépi resplendissant. On voit s'y dérouler le film de la vie du prince : jeux, moissons, chasses, danses.

Or sur la paroi située au nord, le regard de Newberry s'arrête sur un portrait, très grand, de Chnem-Hotep. C'était moins la figure du souverain égyptiens qui intéressait l'archéologue anglais qu'un groupe de silhouettes étranges qui l'entouraient : ces personnages ne portent pas les mêmes costumes que les Egyptiens, leur peau est blanche et leur profil particulièrement accusé.

Qui étaient ces étrangers que deux fonctionnaires royaux placés au premier plan présentaient à leur maître ?

Une observation attentive de la peinture murale attire l'oil sur un papyrus que l'un des deux fonctionnaires tient à la main. Sur ce papyrus est inscrite la répons ç notre question ; il s'agit d' « habitants des sables », de Sémites. Leur chef s'appelait Abishaï, un nom typiquement sémitique, et il était arrive en Egypte avec trente-six membres de sa tribu, hommes, femmes et enfants. Parmi les cadeaux qu'il offrait au prince se trouvait de la stribine (un cosmétique) pour sa femme.

La peinture est si minutieuse, d'un style si incroyable photographique qu'elle apporte une multitude de précisions sur le groupe d'étrangers : Abishaï, qui se trouve à la tête du cortège, s'incline légèrement et salue de la main droite tandis que, de la gauche, il retient un bouquetin apprivoisé qui porte entre ses cornes une houlettes de berger, attribut à ce point caractéristiques des nomades que les Egyptiens s'en servaient comme idéogramme pour les désigner.

La forme et les couleurs du costume sont scrupuleusement rendues. Une sorte de toge de laine, carrée, aux rayures multicolores, descendant jusqu'aux genoux chez les hommes et jusqu'aux mollets chez les femmes, froncée sur l'une des épaules, sert de manteau. Les hommes ont la barbe coupée en pointe. La chevelure très noire des femmes retombe sur leur poitrine et leurs épaules, retenue seulement par un petit ruban noué autour de la tête. La petite boucle qu'elles ont devant l'oreille semble une concession à la mode. Les hommes sont chaussés de sandales, les femmes de demi-bottes brunes.

Tous portent sur eux leur ration d'eau dans des outres de peaux de bêtes joliment assemblées. Comme armes, ils ont des arcs et des flèches, de lourds javelots et des lances. Ils n'ont pas oublié leur instrument de musique préféré, puisque l'in des hommes joue d'une lyre à huit cordes.

En ces époques lointaines, guerres et famines étaient monnaie courante. Ceux qui désiraient se rendre en Egypte devaient passer une sorte de douane et régler un certain nombre de formalités, qui ne sont pas éloignées de nos modernes tracasseries administratives. Ils devaient indiquer leur identité, la raison de leur voyage et la durée du séjour. Un scribe écrivait soigneusement tout cela à l'encre rouge sur un papyrus, et un messager portait le document à l'officier des gardes frontières qui accordait ou non l'autorisation d'entrée, en application des directives fort précises établies par l'administration royale et prévoyant jusqu'au nombre de nomades qu'il fallait refouler.

Pour se protéger des bandes de pillards qu'attirait la richesse de l'Egypte, les pharaons firent entreprendre, dès le troisième millénaire avant J.-C., la construction d'une chaîne de forts, de tours de garde et de points d'appui.

Mais le fait le plus important que révèle cette peinture magnifique, c'est bien que, six siècles avant le départ des Hébreux d'Egypte, des nomades sémites, avec armes, familles et bagages, demandèrent l'hospitalité à ce même pays.

Que fuyaient-ils ? Quelles catastrophes, qu'elle horrible souvenir ?

Relisons les textes anciens. Pour éviter que la discord ne s'installe entre leurs clans, Abraham et Loth décidèrent de se séparer et d'avoir chacun son chemin. Ce dernier s'attribua la meilleure part du Jourdain. Il s'établit donc au sur de la mer Morte, à Sodome, dans une des pleines les plus riches de la région du Jourdain. Il y avait cinq villes dans ce pays : Sodome, Gomorrhe, Adama, Seboïm et Zoar. Chacune dut verser un lourd tribut au roi Kédor-Laomor à qui appartenait la vallée du Jourdain.

Pendant douze ans, les rois de la vallée versèrent ce tribut. Au cours de la treizième année, ils refusèrent. Kédor-Laomor organisa alors une vaste expédition punitive pour rappeler aux rebelles leur devoir et en venir à bout si nécessaire. Il n'eut aucun mal à les défaire. Leurs capitales furent alors pillées et rançonnées. Parmi les prisonniers se trouvait Loth, qui fut libéré par Abraham à la faveur d'une attaque surprise organisée par celui-ci sur l'arrière-garde de l'armée ennemie.

Par la suite, les cités durent détruites. Conséquence de la guerre ? Châtiment du ciel ? Dans la mémoire des hommes, Sodome et Gomorrhe sont les symboles de la dépravation et de la vie sacrilège, et l'on y fait allusion chaque fois qu'il est question de destruction totale.

De plus, et cela n'a pas contribué à éclaircir la question, la région de la mer Morte est restée pratiquement inexplorée jusqu'à une date récente. Aucun savant n'eut jamais l'idée d'aller la voir et l'étudier avant 1848, année durant laquelle les Etats-Unis organisèrent une expédition ayant pour but de l'explorer.

Elle était placée sous le commandement du géologue W.- F. Lynch, qui eut la prévoyance de se munir de matériel approprié, dont deux barques métalliques qui furent mises à terre dans le petit port d'Akka, à une quinzaine de kilomètres d'Haïfa. De là, elles furent soigneusement chargées sur de hautes voitures traînées par des chevaux. Il fallut trois semaines pour franchir, au prix d'efforts indescriptibles, les hauteurs du sud de la Galilée.

Les barques furent mises à l'eau à Tibériade. Là, des mesures exécutées par Lynch sur le lac de Génésareth devaient révéler la première des surprises que ce voyage réservait au monde. On crut d'abord à une erreur, mais des vérifications précises confirmèrent les premiers résultats : la surface du lac se trouve à 208 m au-dessous du niveau de la Méditerranée. On en vint alors à se demander quelle était l'altitude des sources du Jourdain.

Quelques jours plus tard, Lynch escalada la pente de l'Hermon, jusqu'au petit village de Baniyas, où il découvrit, parmi d'autres vestiges des temps révolus, des débris de colonnes et une grotte à demi obstruée par des éboulis d'où coulait un filet d'eau claire.

Il s'agissait tout simplement de l'emplacement de l'ancien Paneion, où Hérode avait fait construire en l'honneur d'Auguste un temple consacré au culte de Pan. Des niches en forme de coquille sont taillées dans le roc de la caverne du Jourdain. On y lit encore nettement une inscription grecque signifiant « prête de Pan », car c'est ici qu'on vénérait le dieu des Bergers.

Le Jourdain n'est qu'à 2 m au-dessus du niveau de la mer quant il se jette dans le lac Meiron, qu'il traverse. Ensuite il descend en pente assez raide la quinzaine de kilomètres qui le séparent du lac de Tibériade (ou Génésareth). Depuis sa source jusque-là, c'est-à-dire sur quarante kilomètres seulement, la différence de niveau excède 700 m.

Partant du lac de Tibériade, c'est avec ses bateaux métalliques que l'expédition américaine descendit les méandres compliqués du fleuve. La végétation s'appauvrissait au fur et à mesure qu'elle avançait, sauf le long des rives mêmes, garnies d'épais buissons. Soudain, sur la rive droite du fleuve, apparut une oasis : Jéricho. Les hommes de l'expédition savaient alors qu'ils n'étaient pas loin du but. Comme des taches que le papier, les énormes étendues d'eau de la mer Morte devinrent visibles, encaissées entre d'abrupts rochers.

Contrairement à ce qu'on aurait pu attendre d'explorateurs, la première chose qui vint à l'idée des Américains ne fut pas de se mettre au travail, mais de prendre un bain. Mais à peine eurent-ils plongé qu'ils se sentirent soulevés, enlevés hors de l'eau comme s'ils avaient mis des ceintures de sauvetage. Une chose, au moins, était sûr : nul ne saurait se noyer dans cette mer.

La mer Morte mérite son nom : elle ne contient pas le moindre crustacé, pas le moindre poissons, aucune algue, pas de coraux. Jamais aucune barque de pêcheur ne s'y est balancée. En ces lieux ingrats, on ne trouve pas de fruits de la mer et encore moins de fruits de la terre ! Les rives sont désespérément désertiques. Sur les plages, d'importants dépôts de sel se sont formés et jettent au soleil des feux de diamants. L'air est chargé d'odeurs désagréables : il sent le pétrole et le souffre. Des flaques d'asphalte souillent la surface de l'eau.

Les barques américaines croisèrent sur la mer Morte vingt-deux jours durant. Les savants firent des prélèvements d'eau, les analysèrent, effectuant sondage après sondage. L'embouchure du Jourdain, et par conséquent la mer Morte, sont à 394 m au-dessous du niveau de la mer. Si l'on creusait un canal reliant la vallée à la Méditerranée, mer Morte, Jourdain et lac de Tibériade aurait tôt fait de disparaître ; il se formerait alors une importante mer intérieur, qui s'étendrait jusqu'au lac Meiron.

« Lorsqu'une tempête souffle dans cette cuvette rocheuse, écrivait Lynch, les lames frappent la coque de nos barques comme à coups de marteau, mais dès que le vent s'est apaisé elles se clament tant est forte la densité de l'eau. » En effet, cette eau contient 25 % de sels minéraux, principalement du chlorure de sodium, notre vulgaire sel de cuisine. Il faut savoir que les mers ordinaires n'en contiennent que 4 % à 6 %.

Mais si la mer Morte livrait facilement les secrets de son hydrographie, il n'en fut pas de même pour la disparition de Sodome et de Gomorrhe, dont le mystère restait entier .

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