02/11/2010

Mathusalem

Une longue vie de 969 ans
Mathusalem

La mort est sans doute la plus terrible barrière à laquelle l’homme se trouve confronté. Aussi, l’un de ses plus anciens combats est d’essayer de retarder l’instant fatidique.


Pour cela, selon les époques, il s’est tourné vers des pratiques relevant de la magie puis de l’occultisme. De nos jours, c’est la science qui a pris le relais. Mais l’imagination humaine s’est aussi nourrie de récits où des personnages vivaient indéfiniment.


« Vieux comme Mathusalem »

La longévité attribuée à Mathusalem, l’un des patriarches antédiluvien de la Genèse, est aussi proverbiale. En fait, les 969 ans que lui accordent les scribes dans l’Ecriture constituent à peu près le seul renseignement que l’on ait sur ce personnage. Ils lui confèrent donc une sorte de record puisque son arrière-grand-père, Adam, est dit avoir vécu 930 ans, son grand-père, Seth, 912 ans, et son père Hénoch, 365 ans – il est vrai que ce dernier n’est pas mort mais qu’il a été enlevé par Dieu après une vie parfaite. Le fils de Mathusalem, Lamech, lui, n’est crédité que de 177 ans, mais la lignée retrouve sa vigueur avec Noé, le héros du Déluge, qui meurt à 950 ans. Telle est la légende.
L’interprétation de ces longévités fabuleuses relève de deux hypothèses qui ne sont d’ailleurs pas contradictoires. La première veut que les années octroyées aux patriarches soient en fait le nombre de mois de leur vie : on obtient ainsi environ 77 ans pour Adam, 76 pour Seth, à peu près 81 ans pour Mathusalem, 30 ans d’existence terrestre pour Hénoch et 79 ans pour Noé. En revanche, selon ce calcul, Lamech aurait vécu à peine quinze ans. Les scribes auraient opéré ces conversions afin d’exalter des hommes tenus pour admirables.
Selon une autre théorie avancée par les spécialistes de la Bible, ces vies supra surnaturelles auraient été inventées pour établir des généalogies sans faille reposant sur un très petit nombre de noms pour des périodes préhistoriques immenses. On retrouve cette manière de procéder chez le Chaldéen Bérose, par exemple, qui, dans son histoire de la Babylonie datant d’environ 280 avant notre ère, affirme que les règnes de dix rois des époques fabuleuses ne couvrent pas moins de … 432 000 ans.

Les limites de la vie humaine

De façon plus certaine, à travers les siècles, l’histoire nous apprend épisodiquement l’existence de personnes ayant très largement dépassé l’espérance de vie de notre époque.
Celle-ci s’est allongée dans des proportions extraordinaires depuis la préhistoire, mais le « décollage » essentiel date seulement du XIXe siècle. En fait, un homme d’aujourd’hui vit trois fois plus longtemps en moyenne qu’un homme de Cro-Magnon. D’autre part, les recherches récentes placent la barrière biologique de l’espèce humaine aux alentours de 110 ans. Estimation qui souffre des exceptions : un Colombien, en 1958, aurait atteint l’âge respectable de 160 ans. Record commémoré par les Postes colombiennes avec un timbre ayant pour légende : « L’homme le plus vieux du monde ! »
Cette notion de barrière biologique a été mise en lumière en 1965 par un Américain, le Pr Leonard Hayflick : ses expériences in vitro semblent prouver que les cellules se comportent comme si elles avaient une sorte d’horloge interne qui détermine à l’avance pendant combien de temps elles vivront et continueront à se diviser.
Tout se passe donc, pour reprendre les mots de l’humoriste français André Ruellan, comme si « la mort (était) un manque de savoir-vivre ».

La science contre l’ « l’horloge biologique »

Si la notion de barrière biologique correspond à une réalité, seule la manipulation génétique pourra contourner l’infranchissable obstacle qu’elle représente aujourd’hui. La science parviendra-t-elle un jour à ce résultat ? Elle aura alors posé un pied dans un domaine jusque-là réservé au divin.
En attendant, l’Homme se content d’explorer la voie du remplacement des organes défectueux par des équivalents artificiels. La miniaturisation de l’électronique rend la chose de plus en plus réalisable et on peut imaginer qu’un jour certains cobayes pourront devenir ce que l’on appelle des « cyborgs », c’est-à-dire des cerveaux dans des enveloppes entièrement artificielles et hautement performantes. Dans son livre Quand l’Homme devient machin (1971), le journaliste scientifique américain David Rorvik présente cette mutation comme un grand pas en avant pour l’humanité… ou plutôt vers l’inhumanité, ne peuvent s’empêcher de rétorquer certains.

Histoires d’immortels

Le thème de l’immortalité, ou à défaut celui de l’extrême longévité, hante depuis les temps les plus anciens, l’imaginaire de l’Homme. Déjà, la mythologie assyro-babylonienne, dans l’Epopée de Gilgamesh, au IIIe millénaire avant notre ère, en évoque la possibilité.
Il traverse discrètement l’histoire de la littérature jusqu’au XIXe siècle, puis s’épanouit au sein d’un courant fantastique qui le traite en général comme une malédiction. Des œuvres importantes, comme le Juif errant d’Eugène Sue (1845), le cycle de She, Celle-qui-doit-être-obéis de sir Henry Rider Haggard (1887-1923), Dracula de Bram Stoker (1897) ou des séries très populaires en leurs temps, telle celle consacrée à l’énigmatique Dr Nikola par Guy Boothby (1895-1901), illustrent la poursuite d’un rêve qui se révèle être, en fin de compte, un cauchemar physique et mental. Au XXe siècle, l’évolution de la science offre de nouvelles ressources. Mais les récits restent dominés par l’idée qu’une extrême longévité ne procure que l’ennui et qu’elle ne s’acquiert qu’au prix de compromis moralement inacceptables : ainsi le savant Faust n’hésite pas à pactiser avec le diable en échange d’une nouvelle jeunesse. Ce mythe se retrouve à l’époque contemporaine, par exemple, dans le Maître et Marguerite, roman de l’écrivain soviétique Mikhaïl Boulgakov (1891-1940), inédit jusqu’en 1966. La moralité de ces œuvres est la même : on ne s’attaque pas impunément aux lois de la Nature…


Magie, occultisme et longévité

Pour lutter contre les ravages du temps sur leur organisme, les hommes ont souvent été tentés de faire appel au surnaturel.
Le vampirisme. Contrairement à une idée reçue, le vampire n’est pas un défunt mais un « non-mort » (c’est le sens de nosferatu), un être immobilisé sur la frontière séparant la vie de la mort. Le vampire a acquis la longévité, souvent contre son gré, en étant victime d’un autre vampire. Cette forme de semi-immortalité a tout d’une damnation et le « vrai » vampire est plus proche du monstrueux Nosferatu que du fascinant Dracula, les deux visages donnés par le cinéma au même héros de l’écrivain Bram Stoker.
La Voie noire. Une longévité voulue peut, elle, résulter d’un pacte passé avec des forces obscures.
Certains grands sorciers de la macumba, la magie noire brésilienne, sont ainsi censés avoir vécu plus de deux siècles. Des auteurs de science-fiction, tel l’Américian Lovecraft, ont par ailleurs imaginé une forme de « vampirisme » psychique permettant à des êtres humains vieillissants de rajeunir en se gavant de l’énergie vitale de jeunes gens.
La Voie royale. C’est celle des grands occultistes, des alchimistes.
En effet, l’alchimie se présente comme une tentative de reconquête par la connaissance des anciens secrets des privilèges perdus lors de la chute originelle. Parmi ces privilèges figure au premier rang celui de l’immortalité. Les alchimistes ont donc passé des siècles à tenter de retrouver le secret de l’élixir de longue vie, « l’or potable », censé leur permettre de traverser les siècles en réalisant leur but ultime : la transmutation du corps et le retour à l’immortalité adamique. La tradition veut que certains adeptes fameux tels que Nicolas Flamel, le compte de Saint-Germain, l’alchimiste arabe du moyen Âge Artéphius ou Fulcanelli aient réussi cette transmutation.

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